Fiche numéro : 56
Novembre 2024 - Boye
Fiche n°56 - Novembre 2024
Kallocaïne de Karin Boye
Année de première publication : 1940
Titre original : Kallocain
Folio SF, 2024 pour la présente édition
Traduit du suédois par Leo Dhayer
Dans une société totalitaire, un chimiste invente une drogue qui fait effet de sérum de vérité. Alors que tout est régi, contrôlé, surveillé, du travail au mariage, des enfants aux parents, cette drogue permettrait de s'approprier le dernier bastion privé : il est désormais possible de traquer et démasquer les traîtres de l'esprit.
Kallocaïne est une des grandes dystopies de la première moitié du XXème siècle, aux côtés des oeuvres de Zamiatine, Orwell et Huxley. C'est probablement celle qui se concentre le plus sur la psychologie de ses personnages, notamment du héros de ce roman, Léo Kall, maillon déshumanisé au profit du plus grand bien et à l'évolution psychologique passionnante. En se concentrant sur l'intimité des personnages, l'autrice montre à quel point la peur structure mais peut aussi être la source de l'écroulement des dictatures.
L'autrice
Karin Boye est une poétesse, traductrice et romancière suédoise née en 1900. Autrice pacifiste, elle propose la première traduction en suédois de The Wasteland de T.S. Eliot en 1931 et est engagée dans des mouvements contre le fascisme. Elle voyage en Allemagne et en Russie d'où elle tire une partie de son inspiration pour le roman ici chroniqué. Elle revendique ouvertement son homosexualité après son divorce. Elle se suicide à 40 ans un an après la parution de Kallocaïne.
Citation
« Permettez-moi une question – et n'y répondez que si vous en avez envie. Considérez-vous que le faux témoignage est à proscrire en toute circonstance ?
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Bien sûr que non, répondis-je, quelque peu agacé. Pas si le bien de l’État l'exige. Mais cela ne vaut pas pour n'importe quel ridicule petit cas particulier.
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Certes, mais réfléchissez y bien, insista-t-il d'un air entendu, en inclinant la tête sur le côté. N'est-ce pas pour le plus grand bien de l’État qu'un criminel puisse être condamné, qu'il ait commis ou non ce dont on l'accuse? N'est-ce pas pour le plus grand bien de l’État que mon inutile, inoffensif mais tellement détestable ennemi puisse être jugé coupable, même s'il n'a pas tout à fait commis un acte illégal ? Lui demandera qu'on examine les faits, bien sûr, mais quelle importance peut avoir un individu ? »
Fiche rédigée par Clément Houdart