Fiche numéro : 15
Greil Marcus, after show
Greil Marcus possède un sacré pedigree : rédacteur en chef de "Rolling Stone", chroniqueur dans "Creem" et le célèbre hebdo new-yorkais "The Village Voice", il a également signé "Lipstick Traces", "Mystery train" et "Like a Rolling Stone*, trois livres majeurs pour qui veut fureter dans les coulisses de la pop-culture américaine en général et la légende Bob Dylan en particulier.
Mardi 5 novembre, le fond de l'air est frais, le ciel gris souris mais j'ai le cœur empli de joie et d'excitation : ce soir, Greil Marcus, l'une des signatures les plus prestigieuses de la presse culturelle américaine nous fait l'honneur d'une visite à Vincennes. Devant un large public animé par une ferveur presque religieuse, nous allons revisiter avec lui pas loin d'un demi-siècle d'une carrière artistique sans réel équivalent, celle de Bob Dylan.
« Hey, mister Tamborine man... », John B, un client de la librairie fondu de Dylan, égraine le tube planétaire sur sa guitare pour le plus grand bonheur d'un auditoire conquis. Il faut dire que le bougre touche sa bille, ce que Greil, en homme affable et attentif, semble apprécier.
Greil Marcus est en France à l'occasion de la parution chez Galaade éditions de « Bob Dylan by Greil Marcus », un fort volume de 600 pages qui regroupe l'intégralité de ses articles entre 1968 et 2010. Lecture passionnante et exigeante qui bien souvent dépasse son sujet, s'échappe du mythe pour mieux explorer, au travers de la figure poète et chanteur, l'histoire des États-Unis.
Greil Marcus a le goût de la conversation et finalement, ce livre, en est une qui court sur plus de quarante ans entre lui le critique de haut vol et Dylan son sujet de prédilection. Comme c'est un très bon « client », doublé d'un gentleman une seule question reçoit une ample réponse, étayée, enrichie de mille détails et citations, qu'il découpe soigneusement pour que Dominique, son interprète, ait le temps de restituer ses propos en français. Ce que nous dit Marcus de Dylan renforce le mythe de celui qui connut la célébrité à l'âge de 25 ans et l'humanise dans un même mouvement. Au détour des pages, il nous arrive de croiser un Dylan fuyant, artistiquement sec mais trouvant toujours les ressources qui lui permettront plus tard de se réinventer après de « longues périodes d’errance dans le désert de sa propre gloire ». Marcus, lui, le suit sans le traquer avec bienveillance et une indéfectible admiration, ce qui ne l'empêche pas de le brocarder :« c'est quoi cette merde ? », écrit-il à propos de « Self portrait » en 1970, mais aussi de l'acclamer. Alors, il sait trouver les mots qui donnent de la chair au génie lorsqu'il éclate avec une telle évidence comme c'est le cas lors du concert pour le Bangladesh à la même époque.
Le temps passe et Dylan est toujours là, juché sur l'étoile que ses admirateurs lui ont fabriqué, ses albums rencontrent un accueil chaleureux et il fait salle comble partout dans le monde. Le poète garde néanmoins sa part de mystère, mais n'est-ce pas la moindre des choses quand l'homme a été définitivement dépassé par son œuvre ? Une chose est sûre, lire le travail remarquable de Greil Marcus ouvre bien des perspectives sur l’Amérique et ses prophètes.
Pascal Thuot
*Lipstick Traces, Allia puis Folio ; Mystery train, Allia ; Like a Rolling Stone, Galaade
** Galaade éditions
« Hey, mister Tamborine man... », John B, un client de la librairie fondu de Dylan, égraine le tube planétaire sur sa guitare pour le plus grand bonheur d'un auditoire conquis. Il faut dire que le bougre touche sa bille, ce que Greil, en homme affable et attentif, semble apprécier.
Greil Marcus est en France à l'occasion de la parution chez Galaade éditions de « Bob Dylan by Greil Marcus », un fort volume de 600 pages qui regroupe l'intégralité de ses articles entre 1968 et 2010. Lecture passionnante et exigeante qui bien souvent dépasse son sujet, s'échappe du mythe pour mieux explorer, au travers de la figure poète et chanteur, l'histoire des États-Unis.
Greil Marcus a le goût de la conversation et finalement, ce livre, en est une qui court sur plus de quarante ans entre lui le critique de haut vol et Dylan son sujet de prédilection. Comme c'est un très bon « client », doublé d'un gentleman une seule question reçoit une ample réponse, étayée, enrichie de mille détails et citations, qu'il découpe soigneusement pour que Dominique, son interprète, ait le temps de restituer ses propos en français. Ce que nous dit Marcus de Dylan renforce le mythe de celui qui connut la célébrité à l'âge de 25 ans et l'humanise dans un même mouvement. Au détour des pages, il nous arrive de croiser un Dylan fuyant, artistiquement sec mais trouvant toujours les ressources qui lui permettront plus tard de se réinventer après de « longues périodes d’errance dans le désert de sa propre gloire ». Marcus, lui, le suit sans le traquer avec bienveillance et une indéfectible admiration, ce qui ne l'empêche pas de le brocarder :« c'est quoi cette merde ? », écrit-il à propos de « Self portrait » en 1970, mais aussi de l'acclamer. Alors, il sait trouver les mots qui donnent de la chair au génie lorsqu'il éclate avec une telle évidence comme c'est le cas lors du concert pour le Bangladesh à la même époque.
Le temps passe et Dylan est toujours là, juché sur l'étoile que ses admirateurs lui ont fabriqué, ses albums rencontrent un accueil chaleureux et il fait salle comble partout dans le monde. Le poète garde néanmoins sa part de mystère, mais n'est-ce pas la moindre des choses quand l'homme a été définitivement dépassé par son œuvre ? Une chose est sûre, lire le travail remarquable de Greil Marcus ouvre bien des perspectives sur l’Amérique et ses prophètes.
Pascal Thuot
*Lipstick Traces, Allia puis Folio ; Mystery train, Allia ; Like a Rolling Stone, Galaade
** Galaade éditions