Fiche numéro : 38
Janvier - Bessette
Fiche n°38 – Janvier 2023
Ida ou le délire de Hélène Bessette
Édition originale : Gallimard, 1973 et Points, 2020 pour la présente édition
Ida ou le délire, dernier roman publié du vivant d'Hélène Bessette, est la concrétisation de plus de vingt années d'écriture pendant lesquelles l'autrice va explorer les tréfonds du langage en faisant ce qu'on appelle communément du « nouveau roman ». Ida est une domestique qui ne parle pas, qui marche en regardant ses pieds et qui finira par mourir de ne pas lever la tête. « Aux lancinantes questions que l'on posait, elle se taisait, ou riait. Se taire. Et rire. Inquiétante Ida. Et les mots, pourquoi sont-ils faits ? » Pour qui sont-ils faits ? Pour la patronne d'Ida. C'est son employeur qui la décrit, raconte sa fin tragique sur un ton tour à tour condescendant, cruel ou comique. Mais bientôt la langue s'emballe, le récit s’enroule sur lui-même et nous reste la sensation poétique de la fièvre.
L'inventivité d'Hélène Bessette prend ici toute son ampleur et c'est le souffle court qu'on lit Ida, agréablement perdu dans les ressassements d'une vie minuscule.Largement ignorée par le public et la critique lors de sa parution, voici une œuvre à (re)découvrir de toute urgence !
L'autrice
Hélène Bessette est née le 31 août 1918 à Levallois-Perret et morte le 10 octobre 2000 au Mans. Elle est institutrice et se met à l'écriture après son divorce. Repérée par Michel Leiris, qui parle d'elle à Raymond Queneau, son premier roman Lili pleure est publié chez Gallimard en 1953. S'en suivent 12 romans, toujours chez Gallimard, qui décide de ne plus éditer ses textes après 1973. Bien que soutenue par des écrivaines comme Marguerite Duras ou Nathalie Sarraute, elle ne rencontre pas le succès. Pionnière du roman poétique, elle est redécouverte par les éditions Léo Scheer dans un premier temps puis par les éditions Othello qui ont entrepris depuis 2017 la réédition de l'intégralité de son œuvre.
Extrait :
« Ida, à part, silencieuse, supérieure peut-être dans la foule des filles, des filles de cuisine. Celle qui a conscience de son état intolérable. Le fou conscient. Celui dont l'ombre grandit au dessus des foules inconscientes. Celui qui parle. Fût-ce par un geste (…) Au dessus des foules silencieuses ou hurlantes, les foules au langage court du slogan, au langage préparatoire des affiches, celui qui, d'une façon ou d'une autre, s'impose à l'attention générale. Les foules non douloureuses cherchant au fond du ciel, une ombre douloureuse. »