Fiche numéro : 29
Février - Bertrand
Fiche n°29 – Février 2022
Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand
Année de publication originale : 1842
Ce singulier recueil a été désigné par Baudelaire puis Mallarmé comme l’invention de la poésie en prose en français. Les « fantaisies » parfois oniriques, parfois cauchemardesques, inspirées au poète par la vieille ville médiévale de Dijon, réunissent originalement le grotesque gothique de Walter Scott et Victor Hugo et le pittoresque XVIIème siècle de Rembrandt et Callot.
Peuplé de vieilles tours crénelées et de riches intérieurs flamands, visité par les charmantes ondines ou l’affreux nain Scarbo, ce livre est écrit dans une langue sublime, où la quintessence des alchimistes côtoie le sang noir des pendus au gibet.
Chacun de ces poèmes est un tableau peint dans un français riche, encadré dans une prose splendide où la syntaxe très libre et la magnifique prosodie remplacent la versification classique. Un chef d’œuvre du romantisme longtemps méconnu, mais qui inspirera même un siècle plus tard les surréalistes. A lire et relire sans modération !
L’auteur :
Né en 1807 dans une modeste famille de militaires originaire du piémont Napoléonien, Louis Bertrand deviendra très jeune le chef de famille, ayant à sa charge mère, sœur et frère. C’est avec ses très maigres revenus de journaliste qu’il devra les entretenir. Il commence sa carrière littéraire à Dijon, qu’il aima « comme l’enfant, la nourrice dont il a sucé le lait ». Il s’installe à Paris en 1833, où il fréquentera les plus grands noms du romantisme français : Charles Nodier, Victor Hugo, Sainte-Beuve. Tentant sa chance dans la poésie, le théâtre, la chronique littéraire, il ne rencontrera cependant jamais le succès de son vivant. Il meurt de la tuberculose en 1841 à Paris loin de sa famille. Son ami sculpteur David d’Angers est le seul à accompagner le convoi funèbre, et fera publier le seul recueil du poète l’année d’après. Il n’est vendu qu’à vingt exemplaires.
Extrait :
– « Que tu meures absous ou damné, – marmottait Scarbo cette nuit à mon oreille, – tu auras pour linceul une toile d’araignée, et j’ensevelirai l’araignée avec toi ! »
– « Oh ! que du moins j’aie pour linceul, lui répondais-je, les yeux rouges d’avoir tant pleuré, – une feuille du tremble dans laquelle me bercera l’haleine du lac. »
Fiche rédigée par Ariel Barrot