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Entre ciel et terre

Entre ciel et terre

de Jón Kalman Stefansson

chez Gallimard

Paru le 18/02/2010

22,00€ Disponible sur commande
Quantité

Chronique de Pascal Thuot

Du 22/02/2010

" [...] le fjord s?ouvre sur la Mer Glaciale face à laquelle nous ne sommes rien, face à laquelle nous n?avons que notre foi en la miséricorde du Seigneur et peut-être aussi un soupçon de bon sens, de courage et de désir de vivre. La barque glisse. Les yeux d?Einar scintillent, sa colère s?est muée en une énergie pure qui lui emplit tout le corps, gonfle chaque cellule et s?évacue dans la rame, Gwendur doit faire des efforts pour suivre sa cadence. Pendant un long moment, personne ne pense à rien, on se contente de ramer, toute l"énergie, l?ensemble de l?existence est consacré à avancer, à s"éloigner de la terre, à aller plus avant dans la mer."


 Parce qu?il oublie sa vareuse au moment de prendre la mer à cause d?un poème " mortellement dangereux " de Milton, Bárður meurt de froid sur la barque de pêche sous les yeux du " gamin ", son ami. Ce dernier, harassé de douleur et de fatigue part au retour sur les chemins afin de rendre le livre maudit à qui de droit, et annoncer à terrible nouvelle à Sigrìður, la fiancée du défunt.


Objet littéraire fascinant, expérience de lecture unique, Entre ciel et terre s?inscrit dans la veine des textes initiatiques aux forts accents métaphysiques, au rang desquels on peut citer Les gens de Dublin de Joyce. Cette proximité idéale se trouve renforcée par la manière qu?a Stefánsson de sonder l?âme d?un peuple frotté aux éléments insensibles et déchaînés si près du Pôle. Un peuple épris de poésie et d?absolu qui, comme le gamin, pose la question de sa survie sous le regard des noyés réunis en choeur.


Les pêcheurs islandais de morues inspirèrent à Pierre Loti un petit monument littéraire que Stefánsson illumine aujourd?hui d?une lumière aussi crépusculaire que sublime.



Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d'autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le coeur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être ni vivants ni morts. Parfois les mots font que l'on meurt de froid. Cela arrive à Barður, pêcheur à la morue parti en mer sans sa vareuse. Trop occupé à retenir les vers du Paradis perdu, du grand poète anglais Milton, il n'a pensé ni aux préparatifs de son équipage ni à se protéger du mauvais temps. Quand, de retour sur la terre ferme, ses camarades sortent du bateau le cadavre gelé de Barður, son meilleur ami, qui n'est pas parvenu à le sauver, entame un périlleux voyage à travers l'île pour rendre à son propriétaire, un vieux capitaine devenu aveugle, ce livre dans lequel Barður s'était fatalement plongé, et pour savoir s'il a encore la force et l'envie de continuer à vivre. Par la grâce d'une narration où chaque mot est à sa place, nous accompagnons dans son voyage initiatique un jeune pêcheur islandais qui pleure son meilleur ami : sa douleur devient la nôtre, puis son espoir aussi. Entre ciel et terre, d'une force hypnotique, nous offre une de ces lectures trop rares dont on ne sort pas indemne. Une révélation...
EAN
9782070122547
DATE PARUTION
18/02/2010
SUPPORT
Grand format
PAGES
237
POIDS
0.314g