La confrérie des chasseurs de livres

"François observe intensément les paysages qu'il traverse. Il voudrait tant briser le mutisme de cette terre. Il l'entend parfois murmurer dans le bruissement des feuillages, l'appeler d'un claquement d'ailes, l'encourager d'un souffle de vent chaud. Mais il ne comprend pas ce qu'elle lui dit. Il écoute les voyageurs bavarder, prier ou crier autour de lui, en syriaque, en hindou, en phénicien. L'un d'eux parle-t-il la langue mystérieuse que François ignore ?"

Qu'est-il advenu du poète et gredin François Villon après qu'il eut été gracié par le roi Louis XI, en 1462 ? Nul ne le sait, mais ça ne veut pas dire, c'est en tout cas l'avis de Raphaël Jerusalmy, qu'il mourut anonyme et indigent. Son oeuvre révolutionna les formes poétiques et entretint longtemps les flammes de l'indignation dans les rangs du peuple. De là à imaginer que le roi lui confiât une mission en Terre Sainte, il n'y a qu'un pas, que le lecteur franchit avec enthousiasme à la suite de l'écrivain, conteur hors pair et parfait honnête homme.

Il s'agit donc pour François et son compère Colin de rassembler au nez et à la barbe du pape Paul II des livres "d'une portée indéniable qui prendront d'assaut les fondements du dogme". Il lui faudra pour accomplir cette mission à haut risque entrer en contact avec "la confrérie des chasseurs de livres", mystérieuse et très influente société secrète qui règne sur la "Jérusalem d'en bas" et détient d'incommensurables trésors philosophiques.

En mêlant roman d'aventure à la façon de Dumas, considérations sur la propagation d'idées humanistes (que ne renieraient pas Umberto Eco) et quelques brins de romance, Raphaël Jerusalmy offre au lecteur un cocktail hautement inflammable de plaisir pur et d'érudition grisante. Au-delà du fascinant voyage en Orient qu'il nous propose, Jerusalmy parvient à nous faire ressentir l'incroyable bouillonnement des idées qui marqua la deuxième moitié du XVème siècle. Cette époque tumultueuse connut la gale des conflits religieux et des compétitions politiques et n'en fut pas moins pénétrée en profondeur par des idées réformatrices que le livre imprimé propagera à grande échelle.

Un roman traversé par l'amour des livres.