Les ravissements

Nous sommes à Ballylack, village imaginaire d'Irlande du Nord en juin 1993. Hannah, 11 ans, connaît une solitude peu commune pour une fille de son âge. Ses parents coincés dans une foi protestante sans concession la maintiennent dans le carcan serré de la religion. Entre deux séances de prières, elle trouve un peu de fantaisie et de réconfort auprès de son grand-père et de son "Jésus mental", moins rigoriste que le Dieu de ses parents. L'été s'annonce sans réelle surprise quand, sans crier gare, une infection mortelle emporte deux enfants de sa classe.

Alors que les violences n'en finissent pas de déchirer ce petit pays, un mal aussi mystérieux que virulent vient pulvériser la fausse quiétude de ce village rural de l'Ulster. C'est à partir de ce moment-là que Hannah reçoit en secret la visite de ses petits camarades disparus. Un sinistre compte-à-rebours est lancé tandis qu'enquêteurs et journalistes s'abattent sur cette communauté taiseuse et jalouse de ses secrets.

"Les lanceurs de feux", son précédent roman traduit, le premier d'ailleurs, nous avait laissé sans voix.Nous avions été séduits par la virtuosité avec laquelle Jan Carson de front l'hyper-réalisme de la situation sociale de l'Irlande du Nord pendant les "Troubles" et le portrait croisé de deux pères confrontés aux énigmes de la filiation. Avec "Les ravissements", elle poursuit son exploration des lignes de failles de la société nord-irlandaise et de la mentalité de ses habitants. Pas à pas, elle fait tomber les masques. Tous les personnages, les enfants comme les parents, sont scrutés avec une attention maniaque, sans concessions ni manichéisme, au fil d'une peinture de caractères aussi savoureuse que cruelle.

Il convient en guise d'éloge définitif de saluer avec vigueur le crescendo  sensoriel vertigineux du récit et une écriture qui mélange savamment réalisme magique à une dose d'ironie nécessaire et bienvenue au regard de l'énormité de la bêtise humaine.